Lire est une expérience, Mathilda Mars nous parle de ses différentes lectures de L'Écume des jours de Boris Vian. Merci à elle !
Quand j’ai entendu que Michel Gondry adaptait à
l’écran L’Écume des jours de
Boris Vian, j’ai été intriguée. Dans mon esprit, L’Écume des jours évoquait une lecture obligatoire du lycée,
de longs après-midis passés à lire sans passion, une histoire de nénuphar dans
un corps et un tas d’autres choses absurdes sans intérêt. Alors que Michel
Gondry pour moi, c’est avant tout le film The Eternal Sunshine of the spotless mind, que j’ai découvert
tardivement et adoré. Alors je me suis dit que quelque chose devait
m’échapper !
J’ai acheté d’occasion une vieille édition du début des
années soixante-dix pour trois sous et j’ai commencé ma lecture, pleine de
perplexité et de méfiance. Je ne voyais pas comment il serait possible que
cette histoire de nénuphar qui m’avait tant agacée lors de ma première lecture
ne me fasse pas le même effet.
Mais bonne nouvelle, les années ne sont pas passées en vain
depuis 1998 et les cours de français de Mme Gravouille ! Finalement,
15 ans après (oh, mon Dieu !), j’ai l’impression d’avoir lu un autre
livre ! J’ai été submergée par la beauté, la sensibilité et bien
évidemment, la poésie de l’écriture. Les premières pages m’ont un peu
décontenancée, mais quand j’ai lu la phrase « Il suivit Colin dans le
couloir dallé, caressa les souris et mit, en passant, quelques gouttes de
soleil dans son briquet », là, j’ai su que Boris et moi, on allait
bien s’entendre. Le nénuphar ne m’a pas agacée, il m’a touchée.
Tout au long des 172 pages de L’Écume des jours, on trouve des passages qui laissent une bonne
place à l’imagination et des phrases d’une poésie renversante : « La
porte extérieure se referma sur lui avec un bruit de baiser sur une épaule
nue » ou bien encore « Colin s’assit par terre pour écouter, adossé
au pianococktail et il pleurait de grosses larmes elliptiques et souples qui
roulaient sur ses vêtements et filaient dans la poussière. »
Habituellement, je ne suis pas fan de poésie, mais là, la simplicité des images
et des mots m’a vraiment impressionnée. C’est un régal de voir ce que Boris
Vian fait des mots, il les prend au pied de la lettre, il les rend bavard, il
les crée !
Pour résumer, L’Écume
des jours, c’est l’histoire de Colin et Chloé, de Chick et d’Alise, de
Nicolas, d’un pianococktail, d’une souris grise, d’une cérémonie de mariage, de
la passion. C’est aussi l’histoire de la maladie, de l’absurde, de l’obsession,
de la perte de la raison, des murs qui se rapprochent les uns des autres, de la
lumière qui fuit et pour finir d’une autre cérémonie. Peut-être ai-je été
influencée par ma récente relecture de Roméo et Juliette, mais j’y ai
surtout vu l’amour pur et total. Au départ, j’ai été plus touchée par
l’histoire d’amour entre Colin et Chloé, mais ensuite l’engagement d’Alise pour
sauver Chick est tel qu’il m’a également impressionnée.
Je n’oserais pas aborder la signification des différents symboles
présents dans le livre, tellement leur interprétation me semble dépendre de
chacun. Pour ma part, j’avais en tête que le nénuphar est un cancer et que
l’appartement rétrécit à mesure que l’espoir diminue. Je suis d’ailleurs
curieuse de voir l’adaptation de Michel Gondry, car il me semble difficile de
fixer ce livre en image.
Pour finir, le roman ne fait que 172 pages, il est facile à
trouver d’occasion à petit prix et disponible en e-book.
Voilà donc quelques bonnes raisons de lire ou relire ce roman
si vous ne le considérez pas déjà comme un chef-d’œuvre. Enfin, je termine ce
billet par une petite pensée pour toutes les Madames Gravouille qui ont subi
des années d’élèves adolescents boutonneux et incapables d’apprécier à sa juste
valeur la beauté du texte. Heureusement, tout vient à point à qui sait
attendre !