Aujourd’hui je vais vous parler de Bookstory, cette
jeune maison de pré-édition numérique marseillaise créée par Guillaume
Fournier, qui a accepté de répondre à mes questions et que j’ai donc retrouvé
dans une brasserie du 6ème arrondissement autour d’un café. Il y a
quelques mois j’avais acheté sur le site de Bookstory Carol Sue de Candice, une nouvelle d’une vingtaine de pages
racontant une terrible histoire aux allures de fait divers, à travers une
polyphonie de voix, et j’avais été impressionnée par la maturité du beau style
de l’auteure. Mon intérêt s’est ensuite porté sur le projet Bookstory, qui se
présente comme un tremplin pour les auteurs et propose aux lecteurs de
découvrir de nouveaux talents.
Guillaume Fournier est à la base un grand lecteur, qui petit
à petit a acquis une bonne connaissance du paysage éditorial français. Avec son
équipe (Anne-Line, webmaster, Marion à la communication et Stéphanie chargée de
l’édition numérique), il a créé un site qui est un outil dédié aux auteurs et
aux lecteurs, permettant aux premiers de soumettre en avant-première aux
seconds leur roman pour évaluation. Concrètement voici comment fonctionne le
site : l’auteur y dépose son texte et un comité de lecture décide de le
publier ou pas (numériquement). Puis, les lecteurs ayant acheté l’ebook peuvent
laisser un commentaire et noter le texte. C’est ensuite que Bookstory prend le
relais et soumet le manuscrit de l’auteur à quelques éditeurs précisément
choisis en fonction de leur ligne éditoriale, à qui les droits d’exploitation
du texte sont revendus.
Le postulat de base est le suivant : les auteurs ne
savent pas à qui adresser leurs textes et les éditeurs sont submergés de
manuscrits. Bookstory se propose de faire l’intermédiaire entre les deux et de
les mettre en relation, d’aiguiller l’auteur, tel une boussole éditoriale (d’où
le logo). L’intérêt pour un auteur cherchant un éditeur est de signer avec
Bookstory un premier contrat d’édition (20 % de droits d’auteurs reversés sur
chaque vente) et de rendre son texte accessible au public. Mais Guillaume
Fournier conçoit l’édition numérique comme une première étape avant l’édition
papier, d’où vient d’après lui la véritable reconnaissance. D’ailleurs
Bookstory ne prétend pas se substituer à l’éditeur : aucun travail
éditorial n’est effectué sur le texte, ni aucune diffusion en dehors du site.
C’est le texte dans sa version première qui est envoyé à l’éditeur, accompagné
des données concernant les ventes et la réception par les lecteurs.
Car le site de Bookstory est à la fois un espace de vente et
un site communautaire de lecteurs (environ 1000 inscrits) pouvant interagir en
commentant et en notant les textes ou devenir « contact » ou « fan »
de tel ou tel autre lecteur. Plus on est actif sur le site, plus on gagne de
points et l’on grimpe dans le « top lecteurs ». Enfin, plus on achète
rapidement le texte, moins on le paye cher. Ainsi le site s’appuie sur le
concept de lecture sociale, caractérisée par le partage, la création de contenu
par le lecteur (commentaire, évaluation, recommandation) sur un texte. La
lecture sociale est ainsi une sorte de prolongement collectif d’une expérience
de lecture individuelle, mais elle est surtout créatrice d’une valeur ajoutée,
grâce à son effet de haut parleur. Ainsi pour Guillaume Fournier le lecteur
n’est pas qu’un client, il est aussi un soutien potentiel pour le texte de
l’auteur.
Guillaume Fournier et Agnès Olive, auteure de La Petite
Punk, pré-édité par Bookstory
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J’ai eu le plaisir de rencontrer Agnès Olive, auteure
de La Petite Punk édité par Bookstory, que j’ai lu dans la foulée
(une plongée dans les eaux troubles de la bourgeoisie marseillaise en même
temps qu’un beau roman sur les thèmes de la famille, de l’adolescence, de la
rébellion et de l’émancipation). Elle m’a expliqué être satisfaite de cette
édition numérique de ses textes, même s’il s’agit d’une étape. Elle est surtout
contente de participer à un projet naissant, à ce qu’elle considère comme une
aventure, portée par beaucoup d’énergie et de vitalité. En ce qui concerne les
commentaires des lecteurs, elle fait le constat qu’il existe autant de livres
que de lecteurs, c’est-à-dire autant d’approches du texte que de commentaires,
qu’elle prend plaisir à découvrir quoi qu’il en soit.
(Juin 2013)