J’ai entendu parler de Marseille’s burning (éditions La Manufacture de livres) au
Cabinet des lecteurs. Le roman est un polar marseillais : Phil, rockeur
désabusé, tente tant bien que mal de protéger son fils Milan d’une menace qui
pèse sur lui et l’un de ses amis accidentellement mêlé à une affaire de
chantage d’homme politique. L’histoire est développée sur fond de préparation
de Capitale européenne de la culture, de revanche sociale, d’immigration, et de
rock.
Une identité marseillaise ?
Ce livre est tout à fait conseillé aux amateurs de
marseillologie, cette discipline qui occupe tant d’esprits, ici. La question de
l’identité marseillaise irrigue tout le roman de Cédric Fabre, qui semble
vouloir répondre à cette question que pose le personnage d’Éléonore à
Phil : « Vous êtes Marseillais de naissance ? De souche ?
Je ne sais même pas ce qui fait qu’on est Marseillais. » Quant au personnage
de Phil, il est plutôt circonspect face à la devise « Fiers d’être
Marseillais » : « L’affirmation d’une identité collective liée à
un territoire lui a toujours paru hasardeuse ».
Démonter les clichés
Pour ma part, j’ai récemment demandé à des Marseillais de
m’expliquer ce qui caractérisait leur identité, la réponse qui est revenue le
plus souvent fut le sentiment d’être différents. Un sentiment comme une
réaction (ou une conséquence ?) au discours stigmatisant tenue sur la
ville dans les médias… Cédric Fabre tente de renverser cette image de la ville
prête à exploser : « la nation tout entière attend que Marseille
s’embrase. Ce qui n’arrive jamais », et d’y substituer celle d’une ville
tranquille : « Marseille est la seule cité de ce pays qui respecte
notre heure biologique (…) un vrai modèle de décroissance ». Le livre
désamorce un certain nombre de clichés, mais il ne se dispense pourtant pas
d’une réflexion critique sur la ville et sa politique culturelle.
Au cœur du roman : la culture
Un discours critique qui s’incarne essentiellement dans les
actions et les mots du personnage du Gabian, « artiviste » radical,
laissé-pour-compte de Marseille-Provence 2013, qui propose des happenings
en réaction à la politique culturelle officielle. Ainsi que dans les réflexions
de Phil, personnage rock, mu par une révolte et une colère rentrée, en même
temps qu’une désinvolture et une douceur un peu désespérée, qui tente tout au
long du roman de trouver les paroles de sa chanson, Marseille’s burning. En réalité, les discours sur la question
culturelle sont multiples et permettent à Cédric Fabre de faire entendre
plusieurs points de vue, comme celui de Max, l’ami de Phil : « Le
douze janvier 2013 : légalisation de la culture à Marseille après des
décennies de prohibition », phrase qui résume bien l’esprit du livre et
son esthétique rock, dans laquelle s’incarne la contestation du roman.