Au détour d’une allée, au deuxième étage de la bibliothèque
de l’Alcazar, je suis tombée sur ce livre fascinant édité chez Grasset dans la
collection « Ceci n’est pas un fait divers ». Le roman prend pour
point de départ la mort de l’actrice Jayne Mansfield dans un sanglant accident
de voiture en juin 1967, coup du sort et dernier épisode d’un destin
hollywoodien frappé par une supposée malédiction.
Sous le soleil noir de Californie...
Le livre est bien un roman même s’il emprunte aux genres de
la biographie et du fait divers. Car Simon Liberati a visiblement mené une
enquête scrupuleuse sur les faits qui ont marqué la dernière année de Jayne
Mansfield : son éviction du star-system hollywoodien, sa rencontre avec le
sataniste LaVey, les frasques et accès de violence de son amant. L’auteur
compose un portrait « rose et noir » de l’actrice, sans complaisance
ni pour elle ni pour le lecteur. Mais ce qui fait la force du roman, c’est le
dépassement de cette démarche biographique et la construction d’un personnage
tragique complexe. Il fait apparaître les liens invisibles, les motivations
profondes et raconte un destin dans toute son amplitude historique et
romanesque.
Jayne Mansfield, la fascinante
Simon Liberati est fasciné par Jayne Mansfield et en tant
que lectrice de son livre, je le fus aussi. Quelles sont les raisons cette
fascination ? Peut-être est-ce une fascination un peu morbide autour de
cet accident où le visage de l’actrice disparut, en totale opposition avec ce
que fut sa vie tout orientée vers l’autopromotion de son corps… Mais pas
seulement, la fascination vient aussi du décalage entre ce que fut la
personne, sa vérité et l’image publique qu’elle renvoyait. Ici, une femme
surdouée ayant adopté la posture de la femme-objet. Effectivement, il y a de
quoi s’interroger.
Redonner figure humaine
L’auteur ajoute par ce texte une pierre à l’édification
de la légende. Pourtant la légende n’est pas lisse, car Simon Liberati nous
parle de la Jayne Mansfield déchue, devenue une parodie d’elle-même, dont la
carrière de movie star est passée : « entre 1962 et 1966, elle était
devenue un monstre, un des freaks les plus spectaculaires de l’internationale
du spectacle. » À travers son personnage, l’auteur évoque le côté obscur de
l’Amérique des années 60, sa folie, il fait le portrait d’un pays où la
monstruosité fait partie du show, phénomène qu’on observe toujours aujourd’hui,
si l’on pense à Madonna ou à Michaël Jackson, dévorés par leur propre image…
Tout le talent de Simon Liberati consiste justement à redonner figure humaine à
son personnage, je pense à cette scène du parking sous les étoiles où Jayne
Mansfield apparaît lucide, libre et indépendante, assumant son image d’icône
décadente.
Un vrai plaisir de lecture !