L’artiste
UTO était
en résidence au
Zinc à
La Friche (Marseille) pour quelques
jours, en pleine réflexion sur son projet
Fenêtre(s), une œuvre numérique ayant pour point de départ
« une écriture hybride, entre texte et vidéo, entre graphisme et création
multimédia, entre papier et électronique ». L’artiste a déjà publié un
livre,
Des Rêves pour demain (2012)
et il écrit de la poésie. Il est issu des arts plastiques, et parallèlement à
une activité de graphiste, il s’est passionné pour la vidéo et les interactions
dans l’espace multimédia. Depuis 2008, il est devenu artiste à temps plein. Les
portes d’entrée dans l’univers d’UTO sont donc multiples.
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Une installation alliant livre papier, vidéo et son |
Il a eu la gentillesse de répondre à mes questions de
profane quand je suis allée le rencontrer au Transistor, ce lieu de ressources
et d’atelier que le Zinc met à disposition du public et des artistes, où l’on
trouve des ordinateurs, des écrans, des fauteuils et des livres sur les arts
numériques. Il y a fait une présentation aux curieux venus l’écouter partager
les idées, questions et pistes que le thème des fenêtres a fait éclore en lui
pour son projet de livre hybride.
UTO était déjà venu à Marseille l’année dernière (en
résidence au Zinc) et avait proposé « Entre nos mains », une série
d’ateliers à la bibliothèque départementale de prêt autour d’objets-livres
hybrides sortes de prototypes réalisés collectivement. J’aurais aimé participer
à ces ateliers, mais j’avais eu l’info trop tard. Du coup, Jean, qui y était,
m’a raconté quelques-unes des expériences menées là-bas pour mettre en relation
l’écriture littéraire et les autres médias : une écriture collaborative
ayant pris la forme d’un caviardage ou encore la création de QR codes générés
par un programme à partir d’un texte littéraire. Le passage d’un média à un
autre devant apporter un renouveau du sens attaché au contenu.
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Prototype en cours de réalisation |
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Vidéo projetée sur le livre papier |
À la base, UTO n’est pas convaincu par l’offre éditoriale de
livres enrichis et surtout il se demande pourquoi un livre numérique devrait se
lire sur une tablette. Il a donc décidé que le contenu multimédia viendrait
s’ajouter à un livre papier selon le mode opératoire suivant : une lampe
de lecture contenant une webcam et un vidéoprojecteur miniature est placée au-dessus
d’un livre, et projette dessus du contenu vidéo. Des symboles permettent à la
webcam de localiser les pages et d’y diffuser le contenu adapté. Le livre reste
lisible sans les portions de récits apportées par les vidéos. UTO souhaite
aussi voir comment la diffusion d’une boucle sonore pourrait interagir avec le
livre. Le processus de transformation de l’œuvre induit par le passage d’un
média à un autre semble être au cœur de ses questionnements, et introduit
l’idée intéressante de plusieurs niveaux de lecture d’un même objet.
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Papier, image, musique... |
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Enregistrement d'une boucle sonore |
Dans les échanges qui ont suivi la présentation du travail
d’UTO, s’est bien sûr posée la question de la réception de l’œuvre. UTO conçoit
l’interaction avec le lecteur comme un autre moyen de renouveler la forme du
livre hybride (idée d’introduire des pliages ludiques par exemple). Il imagine
une installation possible de la lampe de lecture dans un lieu public, tel
qu’une bibliothèque. Sa propre pratique de l’écriture étant faite de fragments,
il imagine un dispositif pour une lecture du contenu par bribes.
L’œuvre finale n’est plus conçue comme un objet individuel.
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Réflexion sur le thème des fenêtres |
Au début, j’ai été un peu troublée par le décalage entre ce
qu’on entend habituellement par "livre multimédia" et l’intrusion du livre papier
comme support d’une œuvre numérique. Mais c’est bien d’un livre hybride dont il
s’agit. Tout l’art d’UTO est justement de brouiller les pistes et de nous
obliger à regarder vers des directions inconnues. Du coup, je m’autorise une
petite réflexion personnelle digressive. À partir de quand un livre numérique
enrichi de contenu multimédia (lu sur tablette) n’est-il plus
considéré comme un livre, mais comme une œuvre numérique ? Et a contrario
qu’est-ce qui fait qu’il va demeurer une œuvre littéraire malgré tout ? Si
je tente de répondre je dirais que l’auteur du texte doit être partie prenante
de la réalisation, que la démarche littéraire est principalement liée à une
recherche sur la langue, mais que pour avoir une vraie expérience de lecture
augmentée, le contenu multimédia doit être intégré au texte et non annexe.
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Ce qui arrive quand une fenêtre de papier se déroule |
Merci au Zinc pour l’accueil et à UTO d’avoir généreusement
partagé ses réflexions et idées avec le public. Ne manquez pas d’aller
visiter
son site, conçu comme un
journal de ses expérimentations.