Ça faisait un moment que j’avais à l’esprit d’aller
rencontrer ceux de « C’est
la faute à Voltaire ». Je suis donc allée glaner des infos auprès de la directrice Lœtitia Bourgine pour vous faire le portrait de cette belle association marseillaise.
Une librairie-passerelle
J’avais entendu parler de l'action de médiation littéraire menée par C'est la faute à Voltaire, mais je ne connaissais que la librairie d’occasion tenue par l’association, cours Franklin Roosevelt à Marseille. La librairie est en fait la partie visible de l’iceberg : elle est avant tout une passerelle entre un public de gros lecteurs venant faire des dons de livres et les usagers des structures sociales avec lesquelles travaille l’association. Cette dernière, créée il y a 18 ans, emploie en effet onze personnes qui portent haut et fort les couleurs de la culture à Marseille.Légitimer l’accès et démystifier la chose écrite
L’action de l’association s’articule principalement autour
des livres et des mots, via la « Création et Animation d’Espaces Livre et
Lecture » dans des structures sociales partenaires telles que des Accueils
de jour pour personnes sans domicile fixe, des Centres d'hébergement et de
réinsertion sociale, des Maisons Relais ou des Centres de soins, d'accompagnement
et de prévention en addictologie. Les intervenants et animateurs de C’est
la faute à Voltaire créent et animent dans ces lieux des bibliothèques destinées
à des usagers qui ont souvent eu un rapport peu aisé au livre, associé pour eux
à une culture savante dont ils étaient exclus. Il s’agit donc de les aider à
s’approprier l’objet livre, de rendre légitime la lecture et d’en faire une
source de plaisir et de connaissance ; en d’autres termes, de démystifier
la chose écrite.
Une médiation par la méthode douce
Mon interlocutrice m'explique que la rencontre
avec un livre est une expérience singulière, qui peut être éphémère ou se
faire dans la durée. Les animateurs tentent d'abord de permettre
l'accès, puis de favoriser la rencontre par leur présence, en donnant quelques
clefs de navigation, en faisant des propositions. Ils organisent aussi
des temps de lecture partagée, appelés des « lectures
offertes » où sont sélectionnés un panel de textes. Un temps
d’expression (souvent écrite et ludique) suit la proposition de lecture, où le
public est invité à inscrire ses mots dans ceux des auteurs lus, à écrire à
partir d’un mot, etc. Au cours de ces temps de lecture-écriture,
c’est la convivialité et le temps passé
ensemble qui permettent la rencontre avec l'écrit,
comme ce fut le cas lors de cette « balade d’écriture
sonore » au parc du Palais Longchamp, dont me parle Élodie
Godard (coordinatrice Projets et développement).
L’imagination au pouvoir
J’aime autant vous dire que les animateurs de C'est la faute
à Voltaire se remuent les méninges et se retroussent les
manches pour trouver de chouettes idées, surprendre et éveiller la curiosité…
Les temps de lecture préparés pour les structures sociales peuvent
consister en de vraies mises en scène, car Lœtitia Bourgine m’explique que
pour une personne ne saisissant pas forcément le sens d’un texte, une autre
appréhension est possible, par la musicalité des mots, les intonations, etc.
Cette approche créative et ludique de la lecture et de l’écriture est
aussi mise en œuvre dans le dispositif « Coup de plumes », des
opérations montées dans le cadre de festivals (comme cet « attentat
poétique » mené en partenariat avec l’Acelem à la bibliothèque du
Merlan). Autant de dispositifs ludiques conçus comme des prétextes à
l’expression de soi…
Chemin faisant, de l’écriture à la lecture
Pour Lœtitia Bourgine, amener les usagers à
s’exprimer permet de leur faire prendre conscience qu'« entre ce
qu'ils écrivent et ce qu'on trouve dans les livres, il y a un
lien ». Désacraliser l’écriture pour désacraliser la lecture… L’association
archive précieusement les textes produits, valorisés grâce à des impressions en
livrets ou même en livre, comme ce fut le cas pour le projet Portraits de femmes ou encore De sel de salive et de sève (regroupant
la production des participants aux « Ateliers Voltaire » dispensés
dans les murs de la librairie). Et bientôt un site internet permettra la
lecture en ligne de la production des usagers-auteurs-lecteurs. Éditer, rendre
publics les textes, comme une reconnaissance des premiers pas encore hésitants
et débutants.
Le goût des mots, des autres… et de soi
Je ne vous ai pas parlé des bibliothèques itinérantes
(« La Bibliomobile » et « CaravaLivres »), mais les lignes
manquent ! Je vous conseille d’aller vous faire expliquer la chose par
l’un des gentils libraires du 27, cours Franklin Roosevelt. (Profitez-en pour
leur apporter quelques livres en bon état !) Pour ma part, je suis très
heureuse de cette rencontre avec une équipe qui déploie tant de belle énergie
pour transmettre à d’autres le goût des mots et ce pouvoir qu’ils ont
de réconforter, de donner du sens et de permettre à celui qui les trouve de
dépasser son histoire en la racontant ; entre autres…