Il y des auteurs vers lesquels on revient périodiquement et
alors on réalise qu’on a laissé trop de temps s’écouler depuis la dernière
lecture. C’est ce que j’ai ressenti en refermant Les Enfants de la Veuve de
Paula Fox édité par Joëlle
Losfeld. Il y a deux ou trois ans, je découvrais cette auteure avec La
Légende d’une servante, roman pour lequel elle avait reçu le « Prix
Automne 2005 des Librairies Initiales ». Ce prix est décerné par le
groupement des Librairies Initiales pour
signaler un livre qui « a vocation à rejoindre les ouvrages indispensables
de la librairie ». Puis j’ai lu Côte Ouest, que j’ai adoré, grand roman-fleuve
initiatique américain. Et après Les Enfants de la veuve, je me réjouis à l’idée
de continuer à lire l’œuvre de Paula Fox. Sans compter qu’elle a également
beaucoup écrit pour la jeunesse.
L’histoire de Les Enfants de la Veuve se déroule à Brooklyn sur 18 heures et 7
chapitres qui pourraient aussi bien être les actes d’une pièce de théâtre
antique. La veuve est Alma, mère de Laura, Carlos et Eugenio et grand-mère de
Clara, la fille que Laura abandonna à la garde de sa mère dès son plus jeune
âge. La veille d’un départ en croisière, Laura et son deuxième mari Desmond ont
convié Clara, Carlos et Peter l’ami de la famille à un dîner au restaurant. Un
événement tragique se produit avant l’arrivée des convives. Laura décide de le
leur cacher.
Dans ce court roman de Paula Fox, chacun des personnages tente avec
courage, mais non sans désespoir de tenir le rôle qui lui est attitré dans la
famille Maldonada. Une comédie humaine se met en place sous nos yeux, encore
teintée d’indulgence au début dans la chambre d’hôtel, de plus en plus féroce à
mesure que la soirée avance. Les pauvres personnages bouillonnent
intérieurement ou s’ennuient profondément, animés par des sentiments de peur,
de culpabilité, de paranoïa, ou d’indifférence et d’agacement. Ils explosent
parfois en interjections ou gémissements, tombant – momentanément et malgré eux
– le masque de la façade sociale. Paula Fox excelle dans la description de ces
échanges décousus, qui révèlent la difficulté qu’ont les personnages à être simplement
là, présents.
Mais petit à petit, Paula Fox distille dans des monologues
intérieurs plus nombreux l’histoire de la famille en filigrane. Puis les
événements poussent les personnages à se raconter davantage. Et l’on découvre
alors que le malheur semble attaché à la famille Maldonada comme une
malédiction. Marqués par une immigration familiale douloureuse et une pauvreté
tenace, « les enfants de la veuve » devront rompre la fatalité,
résister ou pardonner les incompréhensions et les erreurs. Je ne vous en dis pas
plus, mais vous n’en reviendrez pas de la virtuosité de cette construction
narrative.
Le roman est disponible en édition de poche |
Bon, je sais qu’il est de coutume de conseiller en été des
lectures de plage ou des « feel good books ». Mais il pleut sur la
moitié du pays et les aoûtiens ne sont pas encore en vacances. Alors ce que je
vous propose avec Les Enfants de la Veuve, ce ne sont pas quelques heures de divertissement vite oubliées,
c’est une plongée dans un des romans les plus fins dans l’analyse des
sentiments qu’il m’ait été donné de lire, avec à la clef rien de moins qu’une véritable
expérience cathartique. C’est le roman que vous ne manquerez pas de glisser
dans votre valise… avant de vous rendre à votre prochain repas de famille !