Je n’étais pas sure de vouloir vous parler de L’Âge des miracles, car au début il m’a pas
mal ennuyée et même agacée. Et puis je me suis laissée embarquer dans le roman
malgré tout, au fur et à mesure que l’intrigue avançait et commençait à
ressembler davantage à ce que la quatrième de couverture avait laissé
entrevoir. L’Âge des miracles est
de la littérature « young adult » louvoyant entre le roman
d’anticipation et le roman d’apprentissage à travers deux thèmes principaux:
la fin du monde et l’adolescence. Il s’agit du premier roman de Karen Thompson
Walker, auteure américaine ayant suivi un cursus sur l’écriture littéraire,
chose encore curieuse pour nous autres Européens.
L’Âge des miracles débute
dans une petite ville de Californie, alors que la population mondiale apprend
avec stupeur que la rotation de la Terre a ralenti. La narratrice est Julia,
fille unique de 11 ans vivant avec des parents qui ne s’aiment plus. Alors que
les jours s’allongent, que la gravité augmente et que les espèces animales puis
végétales commencent à disparaître, l’homme organise sa survie. Mais à son
échelle de préado, d’autres changements plus intimes vont bouleverser la vie de
Julia durant l’année qui suit le ralentissement. Karen Thompson Walker
dépeint avec un certain talent le mal-être qui caractérise la difficile
période de transition qu’est l’adolescence, mais elle manque totalement
d’empathie pour les personnages amis de Julia manifestant des caractères un peu
plus rebelles que celui de cette dernière, qui elle demeure une gentille fille
mélancolique un peu trop lisse.
Puis Karen Thompson Walker oriente davantage la deuxième
partie de L’Âge des miracles vers
les questions d’adaptation aux nouvelles conditions de vie sur Terre. Petit à
petit, les cycles des jours et des nuits s’allongent et la population humaine
se divise entre la majorité qui continue à vivre des journées de 24 heures et
les adeptes du temps réel pour qui le ralentissement est imputable à un déséquilibre
écologique provoqué par l’homme. L’énergie commence à manquer pour les
cultures, la modification du champ magnétique terrestre provoque un syndrome
nouveau chez l’homme, le mal de la gravité, et la criminalité augmente pendant
les longues périodes lumineuses sans sommeil. Mais alors qu’on pourrait voir
dans le ralentissement la métaphore d’une nécessaire décroissance et dans les
choix de vie alternatifs les prémices d’une nouvelle utopie, l’auteur choisit
plutôt de présenter les adeptes du rythme biologique comme des écolos radicaux
écervelés, témoignant par là même de son conservatisme et se privant d’un
ressort narratif intéressant.
Un curieux objet littéraire que cet Âge des miracles, agaçant à bien des
égards, et pourtant riche d’idées sur le sujet de la fin du monde, qui
constitue bel et bien un motif romanesque passionnant. La fin du monde est
souvent en littérature la fin d’un monde, et le début d’un nouveau. Ici, la
réussite consiste à donner au désastre une dimension écologique, même si
l’auteur place les hommes en position de refus et d’échec face aux changements.
L’autre bonne idée est d’avoir situé la perception des bouleversements
planétaires à l’échelle du quotidien d’une jeune fille et de sa famille et
d’avoir fait vivre au lecteur cette année de transition à un niveau global et
intime. Gardez bien à l’esprit que le roman est à classer en littérature
jeunesse, sinon vous risqueriez d’être un peu déçu. Je n’aurais pas acheté le
livre, mais je suis contente de l’avoir emprunté à la bibliothèque. Ce fut une
bonne distraction.