Une nouvelle contribution amicale de Candy sur le blog pour un roman paru aux éditions le Dilletante : L’extraordinaire voyage du fakir qui était coincé dans une armoire Ikea. Merci à elle !
Conte de Romain Puértolas, le voyage du fakir au nom
imprononçable « Ajatashatru Lavash Patel » commence à l’aéroport de
Roissy Charles de Gaulle. L’Indien vient de débarquer en toute légalité sur le
sol français afin de se rendre dans un magasin Ikea (n’importe lequel) et
acheter un lit à clous, introuvable en Inde. Fakir de son état, sa vie consiste
à arnaquer et à profiter de la crédulité des autres, en jouant sur l’illusion
et le mensonge.
Ainsi débutent les aventures extraordinaires du Fakir, qui
comme sur un tapis volant, se laisse aller au hasard de ses découvertes et
rencontres. D’abord le chauffeur de taxi qui l’amène au magasin Ikea. Ce
dernier pense pouvoir se faire un joli pécule en arnaquant l’Indien, mais c’est
l’Indien, pas né de la dernière pluie, qui finit par l’arnaquer. Leur relation
débute à la manière d’un « attrape-moi si tu
peux ».
C’est la rencontre avec Marie, à la cafétéria d’Ikea, à
Paris.
C’est la rencontre avec Wiraj, un Africain exilé, caché dans
un placard Ikea, dans un camion en route pour l’Angleterre.
C’est la rencontre avec Sophie Morceaux, actrice vedette de
cinéma qui se prend d’amitié pour l’Indien et lui permet de rencontrer un
éditeur à Rome.
C’est toutes ces rencontres incongrues qui font réaliser au
fakir qu’il faut changer, devenir quelqu’un d’autre qu’un arnaqueur
professionnel.
L’extraordinaire voyage du fakir qui était coincé dans une armoire Ikea fait comprendre les enjeux des migrations en traversant les pays : France, Angleterre, Espagne, Italie, Libye, France. Ne touchant le sol que quelques jours, c’est à travers le portrait des personnages rencontrés (la commissaire, le douanier, le chauffeur de taxi) que le lecteur comprend le lien entre le pays et les hommes qui l’habitent.
Un des passages les plus forts est assurément celui de la
rencontre avec le groupe de migrants africains, dont Wiraj. Le fakir prend
conscience de leur situation dans un monde fait d’injustices : « Et
puis ce n’était pas la peur des coups qui tordait les entrailles, non, car sur
cette rive-là de la Méditerranée, on ne frappait pas. C’était la peur d’être
renvoyé dans le pays d’où l’on venait, ou pire encore dans un pays que l’on ne
connaissait pas, parce que les Blancs s’en foutaient pas mal vers où ils vous
balançaient, l’important pour eux étant de ne plus vous avoir chez eux. »
Le récit a la tournure d’un conte philosophique, à la
manière d’un Candide de
Voltaire. Mais les aventures fantastiques n’empêchent pas la réflexion sur des
sujets sensibles, comme l’émigration, la mondialisation. Sans être défaitiste,
le conte pousse jusqu’à une morale sans être moralisant. Le fakir, qui ne se
trouve pas dans cette situation de migrant clandestin se retrouve néanmoins
dans une aventure de voyages et d’imprévus, face à cette réalité vécue par
« toutes ces belles personnes qu’il avait croisées tout le long de
son aventure ».
Livre conseillé en ce début d’année 2014, si vous voulez
passer un bon moment sur un tapis volant.