J’ai lu hier une petite friandise littéraire qui m’a bien
divertie. Rouge abstrait (Neowood éditions) est un texte
court écrit par six jeunes auteurs. Plus précisément par les gagnants du
concours de nouvelle qu’avait organisé Neowood en partenariat avec le site
communautaire d’auteurs WeLoveWords et le magazine Alibi. J’avais eu le plaisir
de faire partie du jury, et donc pu lire les quinze premières nouvelles
sélectionnées, parmi lesquelles furent choisies les cinq qui constituent le
recueil Requiem pour un tueur.
Mais Neowood a eu la bonne idée d’éditer par ailleurs les quinze nouvelles
séparément. Je vous conseille aussi de lire dans ce format Chaises musicales de Mathéo
Spicherd, que j’avais particulièrement bien aimé.
De la confusion des genres
Rouge abstrait est
le nom de l’exposition de l’artiste peintre Jérémie Coche, qui va se retrouver
lié par la couleur rouge aux crimes perpétrés par un tueur en série. Ce dernier
réinterprète dans une folie meurtrière l’œuvre de l’artiste. Le commissaire
Kraven intervient pour tenter de démasquer le coupable. Mais les auteurs de la
nouvelle brouillent les pistes, en mêlant la figure de l’artiste
visionnaire, obsédé par son motif, menacé par la folie et celle du criminel
ayant aboli la frontière entre fiction et réalité pour basculer dans le mal
absolu...
Une écriture collaborative
Les auteurs ont écrit cette nouvelle à la manière d’un
cadavre exquis, semble-t-il, s’emparant chacun à leur tour du récit, faisant se
succéder les narrateurs et imprimant leur style propre : Amanalat son
ironie, Hadrien Fiere sa précision dans l’analyse de la folie, Giovanni
Portelli l’élégance de sa prose, Isabelle Thiebault son art du dialogue
gouailleur, K. Géhin & W. Tinchant conférant au face à face
final une forte tension dramatique. Ces derniers opèrent d’ailleurs un
habile renversement avec une mise en abîme qui s’affranchit du cadre posé par
les collègues. Le procédé plaira aux lecteurs qui aiment être manipulés. Il est
en tout cas amusant de voir comment chaque auteur s’est saisi du matériau
proposé par les autres.
Créer les conditions de la création
Voilà, je voulais vous parler de Rouge abstrait, car je trouve cette idée d’écriture
collaborative au sein d’une maison d’édition fort sympathique. Et saluer aussi
Neowood qui a créé les conditions d’une création pour de jeunes auteurs, et qui
continue de les accompagner. Quand on vous dit qu’il s’en passe des choses
stimulantes du côté de l’édition numérique !