Je voudrais vous parler d’un petit texte qui m’a bien plu :
Une épidémie de Fabien Clouette,
paru à Publie.net. Le titre annonce
la couleur, on est bien dans le genre de la littérature (post-)apocalyptique ou
littérature catastrophe, symptomatique et exutoire des inquiétudes
contemporaines et des désirs de changements. Ici, c’est une version soft et
poétique du genre, en quelque sorte, mais qui parle d’un monde qui s’éteint, et
de ce qui suit pour les survivants.
Retour dans la cité silencieuse
Au début d’Une
Épidémie, le narrateur sort de la quarantaine mise en place pour enrayer l’épidémie
qui a décimé la cité du vent. Il retrouve la citadelle et ses rues désertes,
balayées par des rafales d’air chaud, vit au rythme du couvre-feu et de ses
déambulations solitaires, tente de recroiser son amie R. On comprend qu’un
dérèglement climatique a entraîné une sécheresse terrible, mais on n’en saura
pas beaucoup plus sur les causes de l’épidémie, si ce n’est que cette
citadelle, derrière ses remparts et face à l’horizon marin, paraît totalement
repliée sur elle-même. D’un point de vue narratif, l’action semble en suspend
et le temps arrêté. On regarde le personnage évoluer au gré des projets avortés
et des rencontres brèves et fantomatiques, enveloppé dans le silence qui s’est
abattu sur la ville.
De visu in texto
Mais je sens que je suis en train de perdre certains d’entre
vous, alors je précise tout de suite que malgré son sujet ce texte n’est pas
sombre. C’est tout le paradoxe de cette peinture d’une citée abandonnée, mais
encore debout. J’ai rarement lu de la littérature aussi visuelle, qui laisse
des images très nettes dans la tête. Quelle mystérieuse écriture que celle de
Fabien Clouette, classique dans son style, qui a en revanche un véritable
pouvoir d’évocation ! À travers les yeux de son personnage déambulant, il
réussit à établir une véritable cartographie mentale de cet ailleurs qui
constitue le décor de son récit. J’imagine la citadelle comme une de ces belles
endormies maritimes que sont Essouïra ou Cadiz, construite de pierres jaunes,
chauffée à blanc par un soleil puissant…
Lynch es-tu là ?
Mais la force poétique et littéraire d'Une épidémie vient
également des descriptions de la vie onirique du personnage, remplie de
visions, de souvenirs, de rêves nocturnes qui situent soudain l’action dans une
réalité parallèle, fractionnée et elliptique. Et même, on flirte avec l’étrange
et les littératures de l’imaginaire, avec ces références à des temps
immémoriaux, avec l’apparition du personnage du client, complètement lynchéen,
inquiétant à souhait (« le rat est mort, vive le rat ! »), ou
encore la très belle scène surnaturelle des traces de pas dans la bibliothèque
abandonnée colonisée par des bandes de chats.
Impressions rétiniennes
Malgré une prose un peu anguleuse parfois, la magie opère
donc avec ce texte au fort pouvoir incantatoire et au décor vibrant et visuel
qui s’incruste durablement sur la rétine du lecteur.